... N'oublie pas de Vivre ...

Wednesday, September 16, 2009

Happy hexa-mensuversaire!

« Astonishment is the reaction of the body to the ineffectiveness of its descriptive machinery »

[Terence McKenna]

Si j’avais été en Thailande deux fois plus longtemps je fêterais mon premier anniversaire ici ; alors comment dit-on pour l’occasion: hexagomensuversaire ? Hé oui, ça fait aujourd’hui 6 mois que je suis en Thaïlande, je ne vois pas le temps passer !

J’espère que vos vies respectives se passent aussi bien que la mienne, que nos horizons si différents sont tout aussi fertiles, et que l’envie et la curiosité vous mènent tranquillement vers vos rêves et ambitions personnels. Parcequ’au-delà de l’Histoire dont on comptera les faits dans les livres futurs c’est à nous d’écrire nos histoires, celles que l’on se racontera avant de mourir mais dont personne ne se rappellera.

En ce qui me concerne, mon expérience de prof fut vraiment passionnante, et je n’ai pas encore quitté l’école que déjà l’envie me vient d’y retourner. Septembre c’est la rentrée en France, et la fin de l’école en Thaïlande ; fin du premier semestre et première grandes vacances ! Après seulement cinq mois, j’ai l’impression que le travail se met en place, que les rapports avec les gamines est passé d’une longue phase d’observation-découverte-test-compréhension à une phase d’échange ; en tout cas avec une partie d’entre elles. Il ne me reste plus que quelques semaines à l’école et je me dis que ce serait vraiment intéressant et enrichissant de continuer. Pitain, passer tant d’années à en avoir ras le bol de l’école pout y retourner aussi vite ! Et aimer ça ! Si les images et les rituels d’une école thaï sont très différents de celles et ceux que mon enfance en France m’a laissés en mémoire, beaucoup de détails me font revivre mes propres expériences passées, avec une nouvelle perspective : les sourires dans la cour de récréation, les éclats rires, les jeux qui s’improvisent dans un coin ou devant une cage de foot, les secrets qui s’échangent et les drames à gérer lorsqu’ils sont interceptés, les cris qui exultent le temps d’une récréation l’immense joie d’être libéré des quatre murs, et ces quatre murs qu’il va falloir affronter en même temps que le prof en attendant la prochaine récréation… J’ai observé les mêmes expressions dans toutes les écoles que j’ai fréquenté : en France, aux s’tasunis, dans un orphelinat cambodgien, dans une université chinoise, dans les écoles thaïs, privées ou publiques. C’est marrant quand même que quand on est d’jeunes, on a tout le temps envie de se marrer, et on a tant d’énergie à dépenser. C’est un super environnement pour passer ses journées. Autant le boulot semble parfois ingrat, et c’est le cas (être responsable de la fin de la récréation et des devoirs en plus des heures passées à travailler… c’est horrible !), autant être au milieu de tant de vies ça donne envie de vivre aussi.

De plus je découvre et me rend compte de l’importance qu’à l’éducation dans la société, comment elle défini la vision du monde, le monde lui-même, et les mondes qui potentiellement en accoucheront. Quel domaine sinon l’éducation peut faire émerger des changements dans la population et faire évoluer le paradigme dans lequel nous nous inscrivons? Et pourtant elle n’est souvent pas respectée pour les services qu’elle peut rendre et partout elle est instrumentalisée. Le système éducatif thaï est nul disons le franchement. Il a les mêmes tares que le système français que j’ai passé tant d’années étudiantes à critiquer parfois bêtement je reconnais (l’abrutissement dans des détails et le manque de connaissances transversales qui permettent la compréhension en plus du savoir, apprendre dans le but principal de pas planter le test), sans en avoir aucune des qualités que je découvre a postériori aujourd’hui (réflexions personnelles recherchées, mise en forme et expression d’idées personnelles, esprit critique). Participer à une réflexion sur l’enseignement, c’est en quelque sorte adopter un autre regard sur où notre société veut aller, sur ce qu’on fait de nous êtres humains (capital humain), et les rôles auxquels on se prépare. Bien entendu je ne suis toujours pas d’accord avec tout ça : plus je réfléchi à ce que nous créons comme système social mondial, moins je suis d’accord et moins j’ai envie d’y participer. L’enseignement tel qu’il est fait aujourd’hui n’a d’autre but que de crée des techniciens spécialisés incapables de comprendre le système qu’ils auront pourtant le devoir d’entretenir : nous ne créons rien d’autre que des justifications à ce que nous avons fait, alors que nous devrions comprendre ce qui l’a amené à être, et ce vers quoi il doit évoluer. Bien sûr ce que je dis ne doit pas être généralisé à tout l’enseignement, mais si la compréhension des rouages de notre société est réservée à une minorité-élite, alors c’est que la société va mal. Il me semble que c’est marcher à l’envers, et qu’un système qui créerait sa propre force de remise en cause serait plus progressiste et moins enclin à la corruption. Mais pour cela peut-être faudrait-il commencer par envisager la connaissance, non plus comme une masse statique et empirique, mais comme la capacité à appréhender l’émergence. Plutôt que de transmettre nos certitudes d’une génération à l’autre il nous faudrait alors être plus ouvert aux nouvelles informations et idées, même si (surtout devrais-je dire) si elles mettent en danger nos croyances actuelles et notre identité. Ainsi la Crise ne serait plus le seul moyen d’effectuer de grands changements puisque les petites adaptations se feraient plus graduellement. Enfin c’est bien beau tout, ça fait utopiste à deux balles, et ça ne nous dit pas comment réparer le grand merdier qu’on a crée. Certes. Laissez moi le temps d’y réfléchir je vais y arriver et je vous tiens au jus ; en attendant si vous avez des pistes je serai heureux de la partager avec vous. Pour le moment je vis avec l’espoir et la conviction que commencer à avancer dans cette direction peut rapidement porter ses fruits.

Etre mêlé à l’enseignement m’aide à mieux comprendre ce qui d’instinct me déplait. C’est très intéressant pour moi. J’aimerai vraiment en discuter avec vous, mais j’ai besoin de grandir encore un peu avant de rentrer ! Si je trouve ma place ici, il m’est encore difficile d’en imaginer une en France où je pourrai autant m’épanouir…

Aujourd’hui dans la tumulte d’un quotidien sédentaire bien chargé des sourires, de sueur, et d’interrogations, où je n’ai naturellement pas le temps de faire tout ce que je souhaite, la route me manque, et il est temps pour moi de remettre les voiles : cap sur une île : Koh Phayam. Vous n’ignorez pas mon rêve d’aubergiste ni les raisons qui m’ont réellement attirées en ces terres si hospitalières. Bref, l’occasion que je suis venu chercher s’est présentée plus rapidement que prévue, et dès le mois prochain je vais aller habiter sur Koh Phayam, une toute petite île de la cote Andaman, à la frontière Birmane, peuplée d’irrésistibles hippys et de touristes à la recherche de calme, de beauté, et de simplicité, ce que Koh Phayam pourra offrir tant que les bungalows bétonnés et l’air conditionnés garderont leurs distances ! L’électricité 24h/24 y est encore un luxe que peu se permettent sur l’île, et par conséquent la vie s’organise très différemment. Le temps y est beaucoup plus lent, la chaleur plus lourde. C’est l’isolation au contact des éléments : le silence du soleil sur le sable chaud qui étouffe le ronronnement des vagues, les bains de vapeur dans la jungle après un orage tropical, les longues discussions silencieuses autour de la petite fumée. Une épreuve pour moi qui ait tant besoin de bouger tout le temps, d’explorer, de sentir défiler les kilomètres. Peut-être une étape de plus vers la sagesse ? Le projet c’est Baan Nam Cha, littéralement : Tea House. Le détail qu’il me faut regarder de près et explorer à fond après avoir passé quelques années à essayer de donner un aspect général à ce monde de fou. Un premier test pour de vrai où je serai mon propre boss avoir clamé si souvent que c’est la seule sorte d’emploi qui me conviendrait. C’est cool, on va être les seuls responsables avec le bon Bayu, fidèle compagnon, donc on va pouvoir faire tourner tout le business à notre sauce voir si nos idées marchent et passent le test grandeur nature ! Haha, je suis tellement excité ! Plus de détails quand on aura posé les premières pierres ! Je pense que je serai sur l’île mi Octobre avec pour objectif de faire le test de vivre en dehors de la grille, de m’insérer dans un autre système de vie pour quelques années, où l’argent n’est rien d’autre qu’un outils invisible, à essayer de remettre la relation humaine et la le développement de la conscience au centre des préoccupations.

Bon voilà pour ce qui est de ma vie « professionnelle ». Ce mot me fait marrer.

Pour ce qui a été de ma vie en Thaïlande ces 6 derniers mois, je n’ai pas eu l’occasion de douter un seul instant du choix que j’ai fait de venir ici.

La fin de deux ans de vacances n’ont pas mis fin à mes explorations, et si le rythme et les moyens sont différents, la et les beauté(s) que j’ai découvertes et continue de découvrir me remplissent toujours d’autant de bonheur. Escapades frivoles sur une plage isolée et sans électricité de Koh Tao (île de la tortue) face au coucher de soleil, les pieds dans l’eau et la tête dans les coraux nez à nez avec un barracuda d’au moins un mètre vingt, grand voilier voguant vers les eaux chaudes et turquoises de Koh Rin (île du singe) au large de Pathaya en compagnie de ma mini communauté internationale de potes de Bangkok (16 personnes, 13 nationalités), rencontre avec des crocodiles et des varans plus grand que moi qui m’ont fait abandonner la baignade en pleine jungle, piscine rafraichissante sur les toits de la méga-cité ou hot-springs dans la jungle de la frontière birmane pourvu que ce soit en compagnie de jolie femmes, et les rizières d’un vert éblouissant de vie à perte de vue que je traverse en moto ou à pied pour le seul plaisir de voir défiler l’horizon et de prolonger la course du soleil à l’ouest… A l’excitante fascination initiale, dont la force agi parfois comme un anesthésiant, se substitue progressivement une calme satisfaction de vivre, non pas dans une carte postale, mais dans une mosaïque cohérente de clichés pris lors de mes rêveries. Les odeurs de fritures, de fruits et de café, les sons mélodieux de la langue thaï et du vent dans les rizières, la lumière qui se couche ici quand elle se lève chez vous, tout cela donne à l’environnement où je vis une mélodie bien différente de celles que j’ai quitté. Une mélodie encore nouvelle qui me plait, m’apaise et me donne la force de danser. Ou peut-être est-ce ma perception de la mélodie de la vie qui a changé, pas la musique elle-même ? Que sais-je ? Quoi qu’il en soit profiter de la vie donne à la vie une saveur exceptionnelle, je suis sûr que chacun de nous s’en rend compte.

Mais combien il est difficile de vivre dans l’instant ! Ma vie a beau avoir atteint un équilibre que je ne lui avais jamais connu, entre l’investissement dans un boulot qui me plait, les sorties, le grand air, les découvertes, les rencontres, le sport, le yoga, bref un équilibre plus que satisfaisant entre les habitudes du quotidien et le besoin de découverte, je ne peux m’empêcher de rêver toujours plus ! Alors que mes réflexions sur le Sens de la Vie me poussent irrémédiablement à m’interroger sur les origines de l’émergence de la conscience et les illusions qui forment la réalité (un sujet au combien passionnant mais que je ne vous imposerai pas…), il me vient des envies et des idées de voyages toujours plus fous. Deux d’entre vous se souviennent je l’espère d’un diner orgiaque (aiguillettes de poulet au paprika, patates sautées, et charlotte aux framboises) où avait été lancée l’idée d’un Paris-Pékin en vélo. Et bien si la route me plait toujours, je pense aujourd’hui la faire dans l’autre sens : rentrer en France en vélo dans quelques années quand il me viendra l’envie de quitter l’Asie. Je ne sais pas où je vivrai alors, mais j’aimerai prendre deux ans pour partir de là bas et rentrer en France en vélo, à pied, en cheval, bref n’importe quel moyen de transport que ne soit pas mécanisé ! Voilà, je ne sais pas quand ça se fera, mais c’est ça l’idée !

En attendant la réalisation de ce projet fou, je vais continuer ma petite vie banale mais extraordinaire. Il me reste beaucoup à découvrir en ces terres chnabres. J’espère que vous aurez l’occasion de venir prendre des vacances ici bientôt : il faut qu’on parle de tout ça ensemble avant que je ne sombre irrémédiablement dans la folie !

Malgré tout vous me manquez tous ! L’intérêt que je porte à l’expérience de vivre sans vous mes amis n’a d’égal que la perplexité dans laquelle me laissent mes réflexions sans votre participation. J’attends impatiemment de vos nouvelles, une lettre, un mot pour me laisser savoir comment vous allez et ce qui se passe dans vos vies. Peut-être sans nous en rendre compte nos pensées voguent-elles poussées par les mêmes vents ?

Sur ce, vous m’excuserez le narcissisme de me citer moi-même en fin de lettre…

« Rien n’oblige le monde à se conformer à nos attentes, et par conséquent, puisque la réalité fait référence à tout, elle fait précisément référence à tout ce qui ne peut être pleinement embrassé par les constructions de notre imagination. Nos certitudes en particuliers sont immanquablement des créatures de notre imagination. Les nations, les sociétés, les idéologies, les cultures ainsi que tous les systèmes et institutions qui les supportent: rien de tout cela n’existe réellement. Notre croyance en ces choses est certes d’une indéniable utilité sociale ; mais la réalité est bien plus que la somme de ces certitudes. Je n’appelle pas au rejet simple et stérile de ces constructions de notre imagination. Elles semblent être des outils utiles, peut-être meme nécessaires, à la pensée humaine. Mais je vous conjure de garder cela en tête : ce ne sont que des outils de la pensée, rien de plus. »

[Damien]